Voici un petit inventaire de métiers qui ont laissé une trace sur les murs de nos villes, villages et campagnes. Certains sont rattachés à des contes ou des légendes, d'autres vous seront simplement expliqués pour que vous sachiez à quoi leurs noms sont rattachés et quelle était leur utilité.
LE TRAVAIL DES METAUX
• LE TAILLANDIER
C'est le fabricant des outils tranchants (ciseaux, cisailles, hache, lance, flèches).
• LE FERBLANTIER ET LE CHAUDRONNIER
Le ferblantier et le chaudronnier sont deux métiers qui se rejoignent.
Le chaudronnier est connu depuis très longtemps. On le trouvait dans tous les villages, car c'est lui qui fabriquait des ustensiles à usage domestique ou religieux (cultuel).
Le ferblantier fabrique des objets à usage domestique, qu'il recouvre avec de minces feuilles de fer trempées dans l'étain (timbales, assiettes, plats...) à une époque où nous ne mangions pas encore dans de la vaisselle en faïence.
Le ferblantier et le chaudronnier, étaient appelés" sifflets", parce qu'ils utilisaient un soufflet de forge qui rythmait les journées de labeur par son bruit caractéristique.
Jean-Baptiste Colbert, ministre du roi Louis XIV (14), vers 1665, introduisit en France, grâce à l'abbé Gravel, la première fabrique de boîtes de conserve en fer blanc, à Beaumont dans le Nivernais. Il fit venir pour cela des ouvriers d’Allemagne, qui étaient déjà accoutumés à cette pratique.
• LE LAMPISTE
C'est le fabricant de lampes à réservoir (pétrole, huile). C'est aussi l'employé des chemins de fer, qui manipulait la lampe pour les départs et les arrivées des trains.
LES METIERS DU TRANSPORT
• LE CHARRON
Le charron est l'artisan qui, spécialiste du bois et du métal, conçoit, fabrique, entretient, adapte, répare des véhicules (Charrette, brancard, charrue, tombereau, poulie...)
Il conçoit les carcasses des véhicules et les roues.
• LE CARROSSIER
C'est vers 1650 qu'apparaît cette spécialité qui est à l'origine de la construction de grandes charrettes que l'on a appelé des" guimbardes". Mot qui, dans l'usage courant, deviendra celui des voitures un peu branlantes. Plus tard, quand il sera possible d'acheter un châssis, le carrossier sera le maître d'œuvre pour dessiner la coque des voitures particulières. Ainsi, ce métier a évolué et aujourd'hui il répare les voitures accidentées, qui ont été confectionnées en usines.
• LE ROULIER
C'est celui qui assure le transport des produits (charbons, minerais) sur les routes par voiture hippomobile (à cheval).
LES METIERS DU CUIR
Les premiers hommes utilisaient des peaux pour faire des outres afin de conserver l'eau. Ils s'en servaient aussi pour faire des boucliers. Ils séchaient les peaux et les fumaient afin de pouvoir s'en vêtir. Le métier de tanneur, tout comme celui de corroyeur, remonte au début de l'humanité.
• LE TANNEUR
Il transforme en cuir la peau des animaux morts.
Suivant la peau, elle sera appréciée pour divers usages. Elle recevra un mode de tannage différent.
Le tanneur s'occupe d'éliminer les restes de viande, sur les peaux des bêtes qui ont été tuées par le boucher, afin que d'autre artisans puissent les utiliser, comme le cordonnier, le bourrelier, le tailleur.... L'action de tanner permet de rendre imputrescible la peau. Le tanneur utilise les peaux de bœufs, de vaches, de veaux.
Le hongroyeur était chargé des peaux de chevaux, d'ânes.
Le chamoisier était chargé des peaux de daims, cerfs, chevreuils.
Le maroquinier était chargé des peaux de boucs, chèvres, chamois.
Le mégissier était chargé des peaux de mouton, d'agneau, de chevreau.
Le parcheminier, ou la parcheminière, travaillait les peaux de chèvre ou de mouton pour confectionner les parchemins sur lesquels on écrivait. Le vélin, autre ancêtre de la feuille, était confectionné avec de la peau de veau, d’agneau, voire de cheval mort-né. Cette profession était réservée aux abbayes depuis le haut moyen-âge.
Certaines histoires prétendent que l’on utilisait aussi la peau des enfants mort-nés pour confectionner du vélin, afin d'y inscrire des formules magiques et des incantations.
Conte
On raconte qu'une nuit où la lune était pleine, un jeune homme, qui s'en revenait des champs, vit au carrefour des chemins, marqué par un calvaire, une forme noire, inquiétante, longue et mince, qui creusait au pied du crucifix. A peine éclairé par l'astre, il découvrit un grand homme vêtu d'une longue robe foncée. Un capuchon recouvrait sa tête et ne laissait entrevoir ses traits. Le jeune homme, curieux, se cacha derrière un gros noyer à proximité. La lune se dégagea peu à peu du nuage qui la couvrait. Une scène très étrange se révéla à l'adolescent. Il entendit d’abord l'ombre marmonner des mots sans suite et vit qu’elle tenait dans ses mains un coffret d'or serti de pierreries qui scintillèrent quand un rayon de lune les caressa. L'homme enfouit son trésor dans un trou sous le crucifix, continua à marmonner, puis se retira.
"Scantimus, sepracus, momentus", furent les mots que le jeune homme retint.
Quand la forme fut suffisamment loin et qu’elle eut disparu, le jeune garçon sortit de sa cache et s'approcha du calvaire. Il réussit à ouvrir la cavité sous le crucifix, sortit le coffre, et, devant tant de beauté, décida de l'emporter.
Il rentra chez lui, s'enferma dans la grange afin que ses parents ne le dérangent pas, posa le coffret sur l’établi et se mit en devoir de l'inspecter. Après l'avoir retourné dans tous les sens, il découvrit un petit orifice qui devait pouvoir contenir une clef. Mais comment l'ouvrir ? Il n’avait pas la clef !... Le jeune homme se sentit un peu désespéré. Il continua un moment à observer le coffret, quand tout à coup une pensée lui vint. Peut-être qu'en répétant les mots entendus plus tôt, cela ouvrirait le coffret !!? Il répéta plusieurs fois "scantimus, sepracus, momentus", mais rien ne se passa.
Au désespoir, il s'assit en regardant sa trouvaille. Ses yeux découvrirent alors, sur le côté, une pierre qui correspondait, par sa forme, à l'orifice d'ouverture. C'était peut-être là la clef ?! Il retira délicatement l’objet et l’introduisit dans la serrure. Oh, miracle ! Le coffret s'ouvrit.
Quelle ne fut pas la déception du jeune homme en découvrant, à l'intérieur du coffret, un parchemin d'une finesse telle que l’on pouvait voir au travers mais qui ne portait aucune inscription.
Peu importe, se dit-il, je pourrai revendre le coffret. A lui seul, il vaut son pesant d'or. Peut-être pourrai-je aussi revendre le parchemin vierge.
Il se demanda à quoi pouvait bien correspondre les trois mots dits par l'escogriffe. Il les répéta à voix forte, c'est alors que sur le parchemin des lettres couleur sang apparurent. Comme il ne savait pas lire correctement, il décida que de bon matin, il irait retrouver son ami, un ermite qui logeait dans la grotte non loin de là et qui, lui, savait lire.
A l'aube, il partit avec le coffret sous le bras. Il expliqua à son ami comment il avait trouvé ce coffret, et comment il avait fait apparaître, grâce aux mots qu'il avait entendus, un texte sur le parchemin. L'ermite qui avait écouté paisiblement jusque-là le récit, lui fit découvrir avec horreur à quel point il n'aurait pas dû s'emparer de ce coffret.
En effet, un parchemin si fin, des mots écrits à l'encre de sang, qui apparaissaient suite à une incantation, cela ne pouvait être que l'œuvre du tanneur du diable. Il dépeçait les petits enfants pour que son maitre puisse inscrire ses malédictions. Qui d'autre aurait pu écrire sur de la peau aussi fine, telle celle d'un nourrisson humain, des incantations certainement diaboliques, si ce n'est Belzébuth? L'escogriffe, protecteur des âmes, avait dû voler le coffret afin de le mettre à l'abri de ces méfaits en l’insérant au crucifix.
Le jeune homme, bouleversé, demanda comment il allait pouvoir réparer sa forfaiture.
-"Il est bien temps d’y penser, lui dit l’ermite furieux, il va nous falloir retrouver la personne qui est capable de déjouer le maléfice. Heureusement, je connais l'escogriffe, je vais pouvoir intercéder en ta faveur, mais il te faudra en payer le prix. Dès à présent, tu devras faire œuvre de charité, travailler dur, et aider les pauvres et les malades. J'écrirai au grand abbé de mon ordre qui te prendra dans son monastère. "
Le jeune garçon allait protester, mais l'ermite le fit taire promptement.
"- Cette malédiction pourrait toucher tous les tiens et même au-delà. Ta concupiscible curiosité se retourne contre toi. Souviens-toi que bien mal acquis ne profite jamais".
Le jeune garçon, contrit, rentra dans les ordres des bernardins. On apprit plus tard que par son zèle, il devint évêque.
Les tanneries se trouvaient à proximité d'une rivière afin d’utiliser le courant pour le traitement des peaux. L’eau est essentielle dans le métier de tanneur. On attachait les peaux à des pieux ou des piquets, afin que le courant fasse le travail de trempage. Il fallait toutefois que la vitesse n'altère pas la peau, aussi construisait-on des petits barrages. L'ouvrier tanneur ensuite "décrottait" les peaux, sur un banc (chevalet de rivière semi-cylindrique) avec un outil courbé en fer (qui ressemble à une serpe avec un manche à chaque extrémité) afin de retirer les poils et le reste des impuretés de la peau.
Lors du traitement, le tanneur utilisait le "TAN," jus d'écorce de chêne ou de châtaignier, qui lui était fourni par les « moulins à tan ». C'est l'écorce du chêne qui, transformée, était la matière première utilisée depuis de nombreux siècles dans le travail du trempage des peaux. Le jus que l'on récoltait après la transformation est appelé le « tanin ».
On trempait les peaux dans de grands tonneaux remplis d'eau et on les foulait aux pieds. Par la suite, une machine à fouler a remplacé l'homme ; elle s'appelait le « turbulent » (cela doit vous rappeler quelque chose). C'était une grande caisse qui permettait de battre les peaux. Cela faisait beaucoup de bruit.
Le travail du tanneur a, petit à petit, laissé la place à la machine, car on utilisait de plus en plus de produits toxiques. Les tanneries prenaient beaucoup de place avec leurs grandes cuves, elles propageaient de fortes odeurs, c'est pour cela aussi qu'elles étaient, de préférence, à l'extérieur des villes.
• LE CORROYEUR
Le corroyeur travaillait sur des peaux sélectionnées, telles que les queues, le front, les mamelles des vaches. Il s'occupait de préparer les peaux que le tanneur a déjà travaillées. afin de confectionner des semelles, des outres (que maintenant nous appelons gourdes), des lacets, des lanières pour sabots de bois, harnais, souliers..., pour les cordonniers, les bourreliers, les selliers etc... Il les immergeait dans l'eau, les foulait avec les pieds pour les assouplir, aidé de la "BIGORNE" (sorte de masse à long manche et dont la partie large est munie de dents de bois ou de fer suivant la peau). Il les enduisait ensuite d'un corps gras. Le métier demandait une grande connaissance et une grande précision. La durée de l'apprentissage était de quatre ans. Chaque maître avait un minimum de deux apprentis. Le travail à la lumière était interdit. Tout travail du cuir mal corroyé était brûlé devant la maison du coupable, afin que l'on reconnaisse son manque de professionnalisme. Après un arrêté de 1567, les maîtres d'apprentissage sont passés à un seul apprenti pour une durée de cinq ans.
C'est un métier de grand savoir-faire, si bien que le mot corroyer a été utilisé dans d'autres corporations : corroyer le fer, c'est superposer plusieurs plaques ou barres de fer que l'on porte à "rouge blanc", et que l'on bat jusqu'à ce qu’ils se soudent entre eux. Le menuisier appelle corroyer le travail de dégrossir le bois par le rabotage.
Mais le métier de corroyeur ne s'applique qu'aux travailleurs des peaux.
Le tanin, que le corroyeur utilise, laisse des déchets qui seront utilisés pour faire des engrais. Nous retrouverons dans notre périple d'anciennes usines, qui dans l'Yonne fabriquaient l'engrais à base de ces déchets.
Le métier de corroyeur a disparu, avec les moulins à tan.
• LE BOURRELIER
C'est le fabricant des harnais, des licols, des capotes pour les voitures, des bâches, des tabliers et des besaces. Il achète ses peaux aux corroyeurs.
• LE CORDONNIER ET LE SAVETIER
Anecdotes
C'est depuis 1442 que la corporation des cordonniers est reconnue. Il faut trois ans d’apprentissage pour devenir maître cordonnier.
Un petit maître cordonnier, est appelé BEURLOT. Le BEURLOQUIN est l'ouvrier de la maison du BEURLOT.
Au XVIIe siècle le premier ouvrier cordonnier est appelé un GORET, le deuxième BOEUF, l'apprenti PIGNOUF.
Les saints patrons de la corporation sont les saints Crépin et Crépinien, fêtés le lundi de pâques.
Histoire
Un SAVETIER voyant au coin de sa rue, un sergent ivre qu'on tâchait de relever mais qui retombait lourdement sur une borne, se tira de son tire-pied (chevalet de travail) et se posta devant l'homme chancelant. Après l'avoir contemplé un moment les deux poings sur les hanches et la tête légèrement penchée, l’air songeur, il dit en soupirant :
« - Et dire qu'il me faudra attendre dimanche pour être dans cet état !... »
Légende
Un jour que le bon roi consultait la liste des pendus, il remarqua qu'elle n'avait pas de cordonniers mais bien d'autres professions fortement représentées. Il s’écria alors :
« - les cordonniers sont de braves gens ! »
Et c'est depuis que l'on dit " brave cordonnier".
Histoire
Un soir, CREPIN le cordonnier travaillait à la lueur d'une chandelle. Comme beaucoup de ses confrères, contraint de rendre son travail promptement, il y laissait peu à peu la vue. Notre artisan constata un soir que la flamme, en traversant la bouteille d'eau en verre, qu'il avait placée près de son ouvrage, lui apportait une lumière plus forte. Il en fit part à sa corporation, qui, dès lors, usa de ce procédé pour travailler dans de meilleures conditions.
C'est en reconnaissance de ce service que la corporation décida qu'il serait leur saint patron. Les cordonniers fêtent la saint Crépin le 25 octobre. Ils se réunissent en cortège, suivant le bâtonnier de la corporation (celui qui a l'autorité de porter le bâton) et se rendent à la chapelle de leur saint.
Lors de la fête, il était de rigueur de ne pas jurer, renier, se disputer, maugréer Notre-Dame, Dieu et tous les saints, sinon on devait une forte amende :1/2 livre de cire à bougie pour la confrérie.
Légende
Un brave savetier travaillait beaucoup, mais il ne gagnait pas d'argent. Il arriva un jour où il lui restait tout juste assez de peau pour faire une dernière paire de souliers. Il prépara son ouvrage pour le lendemain et alla se coucher.
Au matin, il trouva son ouvrage terminé. Les souliers étaient de vrais chefs d'œuvre. Une pratique (ou cliente) habituelle les remarqua. Elle les lui acheta plus cher que de coutume. Le savetier put acheter d'autres peaux, et se remettre à l'ouvrage. Il découpa son cuir afin de le coudre le lendemain matin. Quand il se leva, il trouva plusieurs paires de souliers sur sa table de travail. Tous d’une rare beauté. D'autres clients vinrent les lui acheter au prix fort, ce qui lui permit de renouveler son stock.
Une semaine passa et toujours, au matin, le brave cordonnier trouvait sur sa table de travail les souliers terminés d'une remarquable façon. Une nuit, vers la fête de noël, sa femme et lui, intrigués par ces miracles, décidèrent de se cacher pour découvrir ce mystère qui les rendait plus prospères. A minuit sonnant, ils découvrirent l'arrivée de deux lutins, nus et frileux, qui se mirent à l'ouvrage. Ils terminèrent au petit matin de magnifiques souliers et s’en repartirent par le trou de souris. La bonne femme du cordonnier décida qu'elle allait sur-le-champ coudre à chacun des lutins une chemise, un gilet, une veste et un pantalon. De son côté, le brave cordonnier leur confectionnerait des petits souliers.
Le couple s’y contraint tout le jour durant. Leurs travaux terminés, ils placèrent sur la table ce qu'ils avaient confectionné pour les lutins, à la place de l'ouvrage pour le lendemain. Quand les lutins, arrivèrent à minuit et qu'ils trouvèrent les habits et les chaussures, ils se mirent à rire, à chanter, à danser. Ils revêtirent leurs beaux habits tout neufs, et l'un d'eux prit un morceau de craie et écrivit sur la table :
« - Vous n'avez pas été ingrats, nous ne le serons pas non plus. » Puis ils disparurent.
Bien qu'ils ne fussent jamais reparus, le ménage du cordonnier demeura prospère.
LES METIERS DE L’ALIMENTATION
• LE MEUNIER
C'est à lui qu'on apporte le grain à moudre (blé, orge, épeautre) pour qu'il le transforme en farine, ou pour faire de l'huile (noix, lin, moutarde). Le moulin peut être la propriété d'un artisan, d'un noble ou d'une confrérie monastique.
Légende
Le diable, après avoir cherché quel métier était le plus facile et le plus rémunérateur pour quelqu'un sans scrupules comme lui, décida de se faire meunier. Il s'établit sur une rivière et fit construire un moulin en fer dont les diverses pièces furent forgées dans les ateliers de l'enfer. Les meulants (ceux qui cherchent à faire moudre leur grain), curieux, vinrent de tous côtés dans cette nouvelle usine, dont la renommée devint si grande que les meuniers alentour, qui jusque là avaient bien profité de leurs prérogatives, furent au chômage complet.
Quand le diable eut accaparé toute la clientèle, il se mit à si mal traiter le grain, que bientôt on se mit à crier famine.
L'hiver arriva, plus froid, plus mordant que jamais et l'on rentra dans une grande misère.
Un saint homme, qui passait par là, résolut d'aider ces pauvres gens. Il fit construire en amont du moulin du diable, un moulin tout en glace. Les personnes pauvres, qui avaient du grain à moudre, le donnèrent au moulin du saint homme. Il le leur rendit en une grande quantité de farine bien blanche. La nouvelle se répandit assez vite.
Tant et si bien que chacun se rendit au nouveau moulin, et que le diable se trouva à son tour sans pratique.
Le diable vint trouver le saint homme et lui proposa d'échanger son moulin de glace contre son moulin de fer. Le saint homme accepta, mais demanda au diable en compensation dix milles pistoles (c'était la somme exacte que le diable avait soutirée à ses clients en" *dessous de table", pour moudre leur grain). Le diable trouva cet arrangement très lucratif. Ce prix était bien inférieur aux gains qu'il comptait faire avec ce nouveau moulin. Pendant huit jours, le diable fut très satisfait de son marché.
Mais le dégel arriva. Les meules du moulin de glace commencèrent à fondre, et au lieu d'une farine bien sèche, cela devint une pâte. Le diable, furieux, s'en alla trouver le saint homme afin de lui dire son mécontentement face à ce marché de dupes. Le saint homme ne s'en laissa pas conter. Il rappela au diable que le marché avait été fait dans les règles, ce dernier ayant acheté avec argent sonnant et trébuchant le moulin de glace pour racheter ses fautes envers ses clients. Le diable, pris à son propre jeu, disparut.
*Dessous de table : c'est de l'argent qui n'est pas honnêtement gagné, souvent pris en plus du prix que l'on doit normalement payer.
Il faut savoir que les meuniers n’avaient pas de salaire. Ils prélevaient du grain sur ce qu’on leur apportait à moudre. Bien sûr, certains ont abusé de leurs privilèges et dans ce conte, c'est toute la corporation qui en fait les frais. Par la suite on imposa une loi afin que les meuniers soient rémunérés en argent. Ainsi, ils ne pouvaient plus tricher. Il était recommandé de rendre la farine au même poids que le blé, à deux livres près. Si l'on n'avait pas d'argent pour faire moudre le grain, on payait en surplus de blé. Chaque meunier avait son unité de mesure appelée" SETIER", et le surplus était payé dans cette unité de mesure.
On raconte que certain meunier peu scrupuleux, faisait confectionner des meules carrées, afin de garder le grain qui restait dans les coins. On comprend ainsi pourquoi le meunier avait une si mauvaise réputation. Mais surtout on pensait que c'était un homme riche et avare.
Autre légende
Il était une fois une meunière qui n'avait pas de conscience et qui prenait plus de deux à trois fois la mouture aux pauvres gens. Elle le faisait pendant qu'ils étaient endormis en attendant leur farine. Elle vint à mourir, et l'on dit que c'était le diable qui lui avait tordu le cou. On ne l'aimait guère, mais, avant de l'ensevelir, on lui fit une veillée où deux femmes du village restèrent pour la garder. Au milieu de la nuit, les deux femmes sortirent du moulin en criant et en courant. On leur demanda ce qu'elles avaient, elles répondirent qu'elles avaient entendu du bruit par-delà les rideaux du lit de la morte. Elles avaient ouvert et ayant regardé, avaient vu un spectacle horrible. C’était deux gros béliers, l'un tout noir, l'autre tout blanc, qui se battaient autour du lit de la morte.
Le bélier blanc criait en disant : « Cette âme est à moi, et je veux le corps aussi. »
Le bélier noir criait aussi : « Cette âme m'appartient, nous avions passé un pacte avec la meunière et je veux aussi le corps. »
Le curé, averti, vint avec le grimoire (à cette époque, seuls des prêtres savaient lire les grimoires. Ils pouvaient ainsi faire venir le diable et lui parler.) Le curé arrive donc au moulin, il se tourne vers le bélier noir et lui demande ce qu'il voulait (il avait reconnu le diable !).
« - J'ai l'âme, dit-il, et je veux le corps.
- Non, lui répond le curé après avoir fait trois signes de croix. Ce corps a reçu les saintes huiles pour le pardon de ses actes. » A ces mots, le bélier noir disparut en fumée. Et le bélier blanc, qui était un ange du paradis, partit aussitôt au ciel avec la morte pardonnée.
Dans l'Yonne, à Pâques, quand les garçons meuniers rapportaient la moulée (farine), on leur offrait des œufs.
Le meunier était craint, car on le croyait investi du pouvoir de connaître des sorts. On pensait aussi qu'il pouvait guérir les rhumatismes, si on lui faisait frapper trois coups de marteau sur son moulin en récitant des incantations.
• LE BOUCHER
C'est lui qui abat les animaux, et en vend la viande.
A l'époque romaine, la législation de la profession de boucher voulait que quiconque embrassait la profession (voulait être boucher), devait la faire suivre par ses descendants (enfants). Un jeune homme qui épousait la fille du boucher devait obligatoirement exercer le métier.
Conte
Un jour, un client pour mieux se faire voir de son boucher qui vendait de la viande cuite lui dit :
« - Voilà sept ans que je n'achète ma viande que chez vous. »
Le boucher lui répondit :
« - Et vous vivrez encore ! »
Conte
A l'époque des croisades, à Saint Jean d'Acre, un boucher fut arrêté par les sarrasins, parce qu'il vendait de la viande cuite aux pélerins.
Devant le suzerain il se défend en disant, « - Seigneur, je suis en votre pouvoir, vous pouvez me tuer, mais sachez que depuis des années, j'ai tué plus de cent de vos ennemis les croisés, en leur revendant ma viande et mon poisson pourri. »
Le sultan (Saladin) rit et le laisse aller.
En 1381, sous le roi Charles VI, l'apprentissage du Boucher durait trois ans. Pour devenir maître boucher, il fallait donner aux représentants en chef de la communauté, un *cierge d'une livre et demie, une bougie roulée, deux pains, 1/2 chapon et 30 livres et demie de viande.
A la femme du chef, il fallait donner 12 pains, deux **setiers de vin, quatre gâteaux, un ***chapon, et 61 livres de Viande.
* cierge : grosse bougie que l'on utilisait dans les cérémonies, plus il était gros plus il était cher.
**setier : unité de mesure.
***chapon : coq castré, à qui on a enlevé les testicules.
Anecdotes
Déjà sous l’empire Romain cette corporation était reconnue, mais très règlementée. Elle était indispensable à la sureté de l’Etat puisqu’elle pourvoyait au ravitaillement et à la nourriture en cas de guerre.
Longtemps les bouchers, ainsi que toutes les corporations s’y rattachant, les écorcheurs notamment, formaient des milices armées et redoutables.
En 1790, les bouchers de Paris portaient une bannière ornée d'un large couteau avec l'inscription « Tremblez aristocrates, voici les garçons bouchers ! »
En 1860, la société protectrice des animaux, constate que les pratiques de l'abattoir sont de la torture pure et simple.
A l'époque où les évêques réglaient les professions, il était interdit de vendre de la viande en *carême le vendredi saint.
*carême : période de 40 jours avant Pâques où l'on ne mange pas de viande pour faire pénitence.
C'est l'évêque Loup, qui vers l'an 600 de notre ère aurait, dans l'Yonne, règlementé l'hygiène des bouchers.
A la Révolution, l'acheteur faisait une coche (marque) sur un bâton appelé "chair de taille", pour indiquer la quantité de viande qu'il avait achetée.
Jusqu'à la Révolution, les bouchers avaient le privilège de paraître aux entrées des rois, aux réjouissances pour les baptêmes des princes et des princesses.
Jusqu'en 1871, les trois derniers jours du carnaval, on fêtait" le bœuf gras". A cette occasion on promenait un bœuf, très ornementé, tenu par des garçons bouchers qui tendaient un hanap (coupe ou vase) et récoltaient de l'argent pour faire un festin à la fin de la procession.
Histoire
Un jour, un boucher va voir un avoué pour lui demander s'il pouvait recevoir une indemnité pour la réparation d'un différend avec le propriétaire d'un chien qui lui avait volé un gigot.
« - Certainement, mon brave homme, lui dit l'avoué,
- S'il vous plaît, Monsieur, répond le boucher, c'est de votre chien qu’il s'agit, et le prix du morceau est de quatre sesterces et six deniers. »
L'avoué paye le boucher, qui triomphant s'en va. Mais au moment de franchir la porte, l'avoué rappelle le boucher.
« - Arrêtez un moment, mon brave homme. Le prix de ma consultation d'avocat est de six sesterces et huit deniers. Payez-moi la différence, s'il vous plaît. »
Le boucher bien marri dut s'exécuter.
Le patron des bouchers est saint Barthélemy.
• LE BOULANGER
Je ne vous présente pas le boulanger : de nos jours encore, il est présent dans chaque village et ville. Mais connaissez-vous les légendes qui se rapportent à ce métier ?
Légende
On raconte qu'un boulanger, peu scrupuleux, rognait tant qu'il pouvait, la pâte de chaque pain qu'il confectionnait, sans compassion pour les pauvres. Il ôtait par ci, il ôtait par-là, en criant toujours :
« - Coucou, coucou, voilà du bon profit ! »
Mais le bon génie du four, lui, avait pitié des pauvres ; et il arrivait que la pâte s'élève dans le four, s'améliore et forme de beaux pains.
Loin de s'en réjouir, le boulanger méchant continuait à écorner la pâte toujours plus, en criant :
« - Coucou, coucou, encore trop, coucou, coucou le bon profit ! »
Le bon génie s'irrita ; et voilà qu'un beau jour, le corps du boulanger se retrouve couvert de plumes, ses mains deviennent des ailes, ses pieds des pattes. Il finit par s'envoler dans le bois et dès le printemps, il revient pour crier : « Coucou, coucou ! »
C'est depuis ce jour que dès les premiers cris du coucou, on doit avoir dans sa poche une pièce, afin que l'année nous apporte l'argent suffisant à nos besoins.
Autre légende
Un boulanger peu charitable refusa un pain à un mendiant qui avait faim et froid. Il fut changé en coucou. Sa femme et ses filles, qui elles, avaient aidé le mendiant, devinrent à leur mort des étoiles. Ce sont les sept étoiles de la Pléiade.
Autre légende
En pèlerinage, un saint homme et ses disciples entrèrent un jour dans un village. Ils allèrent demander à la boulangère de leur faire un pain.
Elle y consentit et, tout en pétrissant la pâte, voilà que le pain grossit. Mais elle trouva qu’il était trop gros pour eux. Elle en fit un autre, puis un troisième, mais le pain devint de plus en plus énorme, et la boulangère ne consentit toujours pas à le donner aux saints hommes. C’est que, devant ce miracle, la femme devenait de plus en plus cupide. Alors le saint homme se fâcha et la transforma en pivert. Il lui dit :
« - Désormais, tu chercheras ta nourriture entre l'écorce et le bois, et tu ne boiras que quand il pleuvra. »
Histoire
On raconte qu'un couple de boulangers qui venait de s'installer dans un village près d’Auxerre, avait bien du mal à vendre leur pain. Les habitants les ignoraient, parce qu'ils étaient, pour eux, des étrangers.
La femme du boulanger, qui était une personne maligne, se rendit au lavoir et contesta sa place auprès de la matrone.
Car il faut savoir qu'à cette époque, on se rendait au lavoir au minimum une fois par mois. C'est là que les ménagères « faisaient leur linge », c’est-à-dire qu’elles lavaient les draps et les vêtements. Le bâtiment se trouvait quelquefois au centre du village, quelquefois à l'extérieur, mais toujours vers une fontaine ou une rivière. Dans les villes et les villages de moyenne importance, une matrone (chef du lavoir) distribuait la place aux lavandières, en fonction de la maison que représentait la domestique ou de l’arrivée des commères (femmes qui lavaient leur propre linge, ou dont c'était la profession). La place la plus en amont du sens du courant était la meilleure. Le centre permettait d'avoir vent de toutes les histoires. C’était un lieu de rencontre et de commérages. Aussi, la femme du boulanger avait-elle décidé de se faire remarquer, c'est pourquoi ce matin-là, elle contesta sa place.
La gardienne du lavoir lui dit :
« - Tu n'avais qu'à venir plus tôt ce matin, cela t'aurait permis d'avoir peut-être une meilleure place !
- C'est que ce matin encore, dit la boulangère, un diable est sorti de notre four à pain et que cela n'a pas été sans mal de le faire travailler à la fournée. »
Les commères, ayant entendu cela, répandirent la nouvelle : le nouveau boulanger avait un diable sous ses ordres pour faire cuire son pain. Aussitôt, les gens se précipitèrent pour manger le pain fait par le diable et le couple put enfin faire de bons bénéfices.
Mais la jalousie des autres boulangers ne tarda pas. On fit venir le commissaire et le prêtre, qui, après les menaces et incantations, remirent le diable à sa place…
Les boulangers, tout comme les bouchers, font partie des collèges ou corporations reconnus d’intérêt d’Etat, depuis l’empire romain. A cette époque, ce métier était reconnu comme tellement dur, que l’on pouvait condamner un délinquant à la fournée, c’est-à-dire à entretenir le feu et sortir le pain du four. L’artisan boulanger pouvait aussi arrêter, au bout de cinq ans de labeur, pour se reposer ; mais il devait remettre son échoppe à un artisan de la même corporation, ou à un de ses enfants mâles, sinon l’Etat imposait quelqu’un d’office. Souvent c’était un esclave.
En 1577, le roi Henri III impose aux boulangers de mettre une balance à disposition de leurs clients avec des poids légitimes, afin que ceux -ci pèsent eux-mêmes leur pain. Le poids, comme les autres unités de mesure, était défini par les plus hautes autorités. Chaque ville importante, qu’elle soit d’un duché, d'un comté, d’une principauté, imposait son unité de mesure et sa monnaie.
Le boulanger devait inscrire une marque sur son pain afin que l'on sache d'où il provenait et qui l’avait fabriqué. Si le boulanger ne se pliait pas à cet arrêté, on pouvait tout lui confisquer et même démolir son four.
Il y eut aussi les Oubliers ; Ils faisaient partie de la corporation des boulangers au moyen âge. Leur rôle était de confectionner des gâteaux secs, qu’ils vendaient à la criée dans les rues. Les échaudés, galettes, oublies et hosties étaient leurs spécialités. Ils faisaient aussi les NIEULES : confectionnés par milliers pour la Pentecôte, ces petits gâteaux, très minces et très légers, étaient vendus pour être lancés sur le pavé des églises en même temps que de l’étoupe enflammée, symboles des langues de feu descendues du ciel sur les apôtres à cette date.
Les Actes des apôtres 2,4, disent à peu près ceci : Le jour de la Pentecôte, ils se trouvaient tous ensemble (les disciples) en un même lieu, quand vint du ciel un bruit terrible. Ils virent apparaitre des langues qu’on eut dites de feu. C’est ainsi que chacun parla une langue différente selon que Dieu leur donnait à s’exprimer.
Dans le patois Bourguignon, l’écri-nieule, est une personne toute maigre et sans forme seyante.
Avant le roi Saint Louis, les boulangers étaient appelés des "TALMELIERS".
En 1260, BOILEAU rapporte dans les registres des métiers que, pour devenir talmelier, on devait faire un stage de quatre ans et qu'à Noël, l’apprenti devait payer 25 deniers au maître de la corporation. A chaque paiement on faisait une marque sur son bâton*, appelée une « coche ».
Le bâton était très important, si on le perdait on avait une forte amende. C'est lors d'une grande cérémonie que l'apprenti devait présenter son bâton au maitre de la corporation avec un pot en terre rempli de fruits secs (noix, noisettes) et d'oublies (petits gâteaux secs).
Il disait alors : « Maitre, j'ai fait mes quatre années. »
Un officier de la coutume donnait son approbation, puis le Maitre rendait au nouveau talmelier son pot et ses noix ; celui -ci le jetait contre le mur de la maison mère, puis il entrait dans la pièce des banquets, suivi de ses nouveaux compagnons, et ils faisaient la fête tous ensemble en l'honneur du nouveau venu appelé « compagnon », autour du feu et du vin que le maître avait fournis. Chacun payait son repas, et tous les premiers dimanches de janvier, on se retrouvait pour la même cérémonie et l'accueil de nouveaux membres de la corporation.
C'est en 1665 que l'on réduit l'apprentissage à trois ans. Le pot de terre est devenu pot de faïence, à l'intérieur il y a du romarin, des pois sucrés, des oranges et les autres fruits à la mode du temps.
Au 17e siècle, c'est un Louis d'or qui remplace le pot de sucreries.
Plus tard, une légende racontera que les ouvriers boulangers, ainsi que les cordonniers, auraient été exclus par d'autres corporations au droit de compagnonnage, parce qu'ils n'utilisaient pas l'équerre et le compas. Ce n’est pas réel, mais cette histoire est politique et complexe. De nos jours, leur compagnonnage est de nouveau accepté. Les boulangers et les cordonniers font parties des corporations privilégiées chez les romains. Ceci explique peut-être la légende….
VESTA, est la déesse romaine du feu ; des boulangers et des fours.
Histoire romaine
A l’époque romaine, l’ordre des boulangers, alors appelés « PISTORES » a été créé par Trajan. Il y avait 250 titulaires, placés sous l’autorité du préfet et d’un magistrat de ville. Dès l’âge de 20 ans le fils du boulanger, par la loi 5, dite l’ordo, devait exercer la profession de son père. Le gendre devait obligatoirement faire le métier.
Un boulanger ne pouvait pas devenir prêtre.
Le saint patron des boulangers est saint Honoré, évêque d'Amiens au VIIe siècle.
LES METIERS DU TEXTILE ET DE L’HABILLEMENT
• LA FILEUSE
Il fut un temps où l'on faisait dans les villages le fil pour confectionner les tissus. De tout temps, les dames faisaient *les écheveaux, à base de fibres végétales comme le chanvre, le lin, le tilleul (pour les cordes). Des fils d’animaux (laine de mouton, poils de lapin ou de chèvre) qu'elles pouvaient vendre, en pelote, aux tisserands afin qu'ils confectionnent des tissus. Même dans la noblesse, les dames du temps jadis confectionnaient des pelotes en attendant leur chevalier, parti guerroyer.
*Les écheveaux : sont des amas de petits fils, qui seront mis en pelote après.
Le métier de fileuse remonte à la nuit des temps. C'est pendant les veillées que les dames filaient en se regroupant avec leurs quenouilles. Réunies dans une maison auprès d'un bon feu, elles se transmettaient les contes et les ragots.
Anecdote
Si une jeune fille laissait tomber son fuseau et qu'un garçon le ramassait avant elle, il avait le droit de l'embrasser. Cela avait pour conséquence qu'il pouvait lui demander sa main.
Légendes
Dans l'Yonne, les enfants de la femme qui file le jour de la saint Paul risquent d'être malades, et les poules de naître avec les pattes tordues.
Les filles et les femmes devaient avoir fini leur ouvrage avant minuit, veille de la nouvelle année. Sinon, les démons pouvaient soumettre toute la maison à un maléfice.
Dans l'Yonne, on croyait que pour que le fil devienne blanc, il ne suffisait pas de l'exposer à la rosée pendant la semaine sainte, mais encore, que la fileuse éprouve un grand émoi. Aussi se faisait-on un devoir de lui faire peur au moment où elle exposait son fil.
Près des lieux dits « Pierre aux fées », ou en bordure de certaines fontaines, les soirs de pleine lune, si on a l'âme pure et si l'on regarde à travers une pierre trouée, on peut voir les fées tisser le temps avec leurs quenouilles. On raconte qu’elles tissent le fil de la vie.
Conte
Un jour, un prince qui se promenait sur ses terres, rencontra une vieille femme qui gourmandait une très belle jeune fille. Au côté de la demoiselle se trouvait une quenouille et un fuseau. Elle avait dans ses mains, un bouquet de fleurs des champs, qui accentuait la douceur de son visage. Le prince s'arrêta. Il demanda à la matrone quel était l’objet de son courroux face à cette déesse.
« -Sire, c'est ma fille, dit la vieille sur un ton condescendant, elle ne pense qu’à filer du matin au soir et ne fait rien d'autre, tant elle aime cela. Elle est si douée que rien d'autre ne l'intéresse.
Je voudrais tant qu'elle fasse autre chose !!.
- Ah ! Vraiment? dit le prince, si vous haïssez les filles qui aiment à filer, donnez la vôtre à ma mère, la reine, qui se divertit fort de cet amusement. Elle fera la fortune de votre fille. »
La mère fit une révérence entendue.
Le lendemain, la jeune fille se rendit donc au château. On la conduisit dans un appartement où il y avait d’énormes écheveaux de toutes espèces. Son cœur se serra. Prise de panique devant l'ampleur de la tâche, consciente d’être en proie à de nouvelles vindictes, elle courut au bois où se trouvaient les ruines d'un vieux château abandonné. Elle monta dans la plus haute tour qui restait encore debout, avec l'idée de se jeter dans le vide. Le vent était si fort, que même en étendant les bras tel un oiseau, le zéphir la retenait, afin qu’elle ne commît pas l’irréparable.
Soudain, une voix douce et mélodieuse lui parvient. Puis, apparaît un homme, grand, fort et bien vêtu, mais d'une physionomie assez sombre. Ce dernier lui demande gentiment pourquoi tant de chagrin, pour vouloir mettre fin à ses jours ? La jeune fille que la voix a calmée, explique son tourment.
Tout à son écoute, le grand homme lui propose alors sa baguette magique.
« - Elle a la vertu de filer toute sorte de chanvre, lin et autres fils, juste en un geste, dit-il. Je vous la prête pour trois mois. Au bout de ce temps, je reviendrai chercher ma baguette et vous devrez me la rendre en disant : Tenez, RICOLIN, RICOCHON, voilà votre baguette. Si vous ne vous rappelez plus mon nom, je deviendrai le maître de votre destinée, et vous emmènerai, où bon me plaira. »
La jeune fille, fort confuse, accepta le marché. Elle prit la baguette et s'en retourna à son ouvrage colossal. Grâce à la baguette, elle réussit son œuvre. Le prince, qui était amoureux d’elle, décida de l'épouser. Mais la jeune fille se rappelait le marché qu'elle avait passé avec le grand homme du château en ruines. Hélas, toute à sa joie d'épouser le prince, elle avait oublié le nom de l'homme à qui appartenait la baguette.
Un jour, le prince partit à la chasse. Il s'égare dans le bois. Arrivé vers le vieux château en ruines, il découvre une scène étrange : plusieurs personnes au visage affreux, en habits bizarres, dansent autour d'un homme grand, fort et bien vêtu. Un chant rythme leurs déplacements saccadés :
Si jeune et tendre femelle,
Si avait mis dans sa cervelle
Que RICOLIN, RICOCHON je m'appelle,
Point ne viendrait dans mon escarcelle.
Le prince retint le couplet et le rapporta à sa fiancée. Elle lui avait conté son aventure, puis le pourquoi de son découragement face à l’échéance prochaine.
Quand le grand homme (qui était un démon, vous l'avez deviné ?!) arriva pour reprendre sa baguette, la jeune fille put lui répéter les paroles du marché. Le démon, fort marri, partit en fumée.
Anecdote
Au 16e siècle, en Bourgogne, comme dans toute la France, les pauvres se réunissaient pour les veillées, moments privilégiés après une semaine de labeur. Chacun amenait sa bûche, les femmes filaient, les hommes racontaient des histoires. On recevait aussi le marchand ambulant, à la fois commerçant et conteur. Dans les coins les plus reculés, notamment en forêt, on formait une tente de perches, de tourbe, avec en son centre un foyer. Après le souper, tous se retrouvaient sous cet abri où l'on avait installé des bancs de fortune. C’est là que contes, légendes, savoir-faire, et nouvelles des «* pays » étaient transmis.
*pays : personne qui est née au même endroit ou dans la même région, c’est un lien presque familial.
Les « fileresses », dites à grands ou petits ciseaux, étaient chargées de couper les fils des tissus qui pouvaient dépasser après le tissage. Elles avaient fort mauvaise réputation, on les disait voleuses et de vie quelque peu dissolue.
• LE TISSERAND
Le tisserand est celui qui confectionne les tissus. Avec les fileuses, c'est un très ancien métier. C'est lui qui tissait le fil ou la laine des ménagères. Le tisserand était un homme important et qui inspirait crainte et respect.
Histoire
Assis devant le métier à tisser, bizarrement sculpté, que lui ont légué ses ancêtres, il fait courir de la même manière, dans la trame, la navette grossière qu'il a taillée lui-même avec son couteau, tandis que, près de lui, sa femme prépare le fil sur le vieux dévidoir. Pour lui, le bruit monotone du dévidoir a un langage secret qui l'attire.
Il compte tout bas les pièces de toile qui lui sont commandées, et le nombre de louis d'or qu'on lui donnera chez les négociants.
Anecdotes
Dans certains villages, ou certaines villes, c'est dans l'atelier du tisserand et du chanvrier que se faisaient les veillées. On y racontait les contes et légendes, ainsi que les ragots, qui passaient de bouche à oreille. C'est là aussi que les jeunes se rencontraient et formaient des couples.
Le compagnonnage du tisserand date des années 1778. C'est un menuisier (traître à sa société) qui leur aurait vendu le secret du devoir.
Légende
A Jérusalem, le jour où l'on devait crucifier le christ, Il ne se trouva plus un seul clou en ville. Les forgerons de la ville et des alentours refusèrent tous d'en forger. Il se trouva cependant un tisserand, qui retira les clous de son métier. On put ainsi crucifier le christ. Plus tard le diable, croyant que l'action du tisserand lui donnait droit à prendre son âme, vint l'arracher tout vivant à son métier pour le conduire aux enfers. Mais le tisserand n'était pas d'accord. Il s’en suivit une lutte pendant laquelle le diable s'embarrassa dans les fils du métier. Mis à la merci du tisserand, Satan reçu une si formidable raclée, qu'aussitôt dégagé, il s'enfuit en hurlant de douleur. C'est depuis que, dès que les démons entendent un métier à tisser en action, ils fuient et prennent la poudre d'escampette.
Légende
Un tisserand, ayant par accident brisé son métier, décida de se rendre en forêt pour abattre un large chêne qu'il avait repéré dans un bois voisin. Il se mit en devoir de l'abattre, mais le génie qui y logeait s'écria :
« - Cet arbre est ma demeure, demande moi toute autre chose que cet arbre et ton souhait sera accompli. »
Le tisserand réfléchit et demanda au génie s'il pouvait consulter sa femme et un ami, puis revenir, quand il aurait pris sa décision. L'accord lui fut donné. Il retourna chez lui. Il consulta son ami barbier, qui lui dit :
« - Demande à être roi, je serai ton premier ministre. Nous mènerons bonne et joyeuse vie. »
Le tisserand approuve. Mais, il décide toutefois de consulter sa femme. Cette dernière lui déconseille d'être roi.
« - C'est un fardeau pénible, dit-elle, Il serait plus sûr de vous contenter de votre position d’artisan et de chercher un moyen de gagner votre vie plus facilement. Demandez lui une autre paire de bras et une nouvelle tête. Par ce moyen, vous pourrez travailler à deux METIERS en même temps, le profit sera suffisant pour que vous soyez de quelque importance dans ce métier, les revenus en seront conséquents. »
Le tisserand retourne à l'arbre et demande au génie une seconde paire de bras ainsi qu’une nouvelle tête. Aussitôt dit, aussitôt fait !...
Et voilà notre tisserand, affublé de deux bras supplémentaires et d'une autre tête.
Arrivé au village, les gens du pays voyant arriver ce monstre, se mettre à crier" AU LUTIN !! AU LUTIN !!" Chacun s’empare de ce qui lui tombe sous la main, et le roue de coups de bâtons, de massues, de pierres et le laisse mort sur la place...
Ne vaut-il pas mieux être moins, et être ce que l’on est ? (maxime de Chamfort)
Il y avait divers artisans tisserands avec chacun une spécialité.
• les QUEUVRECHEFS rattachés à l’habillement ;
• les LACEURS confectionnaient rubans et lacets de soie ;
• les CRESPINIERS faisaient les coiffes, les taies d’oreillers et les dais d’autel ;
• les PASSEMENTIERS, les boutons ;
• les FAISEUSES, les aumônières, sortes de petites bourses que l’on portait à la ceinture, dites aussi SARRASINOISES.
• LE CORDIER
Le cordier est celui qui confectionne les cordes, pour tous usages, en fibres naturelles de chanvre notamment et de tilleul.
Histoire
« - Nous autres cordiers, quand nous filons une corde, nous ne savons pas si ce sera celle d'un pont ou celle d'un pendu. Cela ne nous donne pas l'envie de prendre trop cher. Nous sommes les plus pauvres et les plus honnêtes. »
Ceci est la réponse d'un cordier à un courtier (voyageur de commerce) qui trouvait que celui -ci gagnait trop d'argent.
Légende
On prétend que les cordiers sont obligés de marcher toujours à reculons. C'est ainsi qu'ils procèdent pour confectionner des cordages. Après une journée de travail, ils ne savent plus marcher en avant…
Anecdote
Il semblerait, d'après A. PERDIGUIER, que, dès 1407, il y avait des compagnons du devoir et une confrérie des cordiers.
• LE TAILLEUR ou COUTURIER
Il fut un temps ou les tailleurs allaient de porte en porte pour confectionner les vêtements. Ils avaient un long bâton avec un bout en fer pour se garantir des chiens et des brigands. C'est eux aussi qui donnaient des nouvelles des autres pays et racontaient les contes. Ils étaient courageux, inventifs, vantards, rusés, et prétendaient avoir « l'esprit souple » car ils entraient dans l’espace privé des gens qu’ils habillaient.
Le tailleur n'avait pas bonne réputation. C'était un métier utile mais qui n'était pas reconnu. Les gens aimaient à le railler. Il semblerait, que le tailleur avait du mal à trouver une compagne et fonder une famille. Ses nombreux déplacements ne lui permettaient pas de fonder un foyer.
Légende
Trois compagnons étaient attablés dans une taverne des alentours de PONTIGNY, proche du prieuré. L'un d'eux était un tailleur qui aimait à boire et à se vanter. Epris de boisson, il fit le pari qu'avant minuit il aurait cousu deux culottes, deux chemises et qu’il les déposerait sur l'escalier de la maison du chapitre (lieu où se réunissaient les chanoines) au fond du prieuré. On savait qu’elle était hantée par un fantôme. Ses compagnons relèvent le défi… Et voilà notre tailleur qui se met au travail, éclairé par la seule clarté d’une chandelle. Il coud deux chemises légères et les culottes du défi. Minuit n'avait pas encore sonné, quand une grande main squelettique apparait au-dessus de sa tête. Puis une voix d’outre-tombe se met à lui siffler à l'oreille par trois fois :
« - Vouaa cette grande main, sans chaiiire niii sang, qui s'élève devant toi, tailleur !
- Je la vois », répond le tailleur en haussant les épaules, mais en restant tout à son ouvrage, « il faut que j'emploie toute cette nuit à mon fil et à mon aiguille. Et rien ne m’en distraira ! »
Le tailleur donnait son dernier coup d'aiguille au premier son de la cloche qui annonçait minuit. Il prit sa chandelle, et se rendit au prieuré. La grande main squelettique était derrière lui. Comme il atteignait la porte, la main voulut lui donner un soufflet. Mais le tailleur avait déjà passé la porte. Il était à présent devant l’escalier du chapitre. On entendit, feutré, le dernier coup de cloche annoncer minuit. La grande main s’était soulevée afin d’atteindre l’artisan, qui déjà, n’était plus à portée. Son élan fut si fort, que l'empreinte des doigts du fantôme resta gravée à jamais dans le bois de la porte.
Si le temps a légèrement effacé sa trace, on peut encore, à bien y regarder, la deviner.
Histoire
Alors qu'un compagnon tailleur faisait la route, l'hiver glacé le surprit sans bas. Passant devant une potence, il avisa un pendu qui en avait une fort belle paire. L’artisan se persuada que par repentir, cet homme lui ferait volontiers cadeau de ses bas qui ne lui serviraient plus. Mais le froid avait fait son œuvre et le cadavre était congelé. Pressé par le froid, Il prit ses grands ciseaux et lui coupa les jambes. Il les mit dans son cabas et se rendit au village. A l'auberge, où il était descendu, il plaça les deux jambes devant le poêle pour les faire dégeler. Ensuite, il les dépouilla des bas, qu'il enfila aussitôt. Il introduisit les jambes dans le poêle et s'en alla par la fenêtre. Le chat de l'auberge, qui passait par là, découvrit une des jambes qui dépassait du poêle. Il la fit tomber et se mit à la ronger. Quand la servante ouvrit la porte et vit le chat en grande dégustation, elle crut qu’il avait mangé le tailleur ! Elle se précipita vers son maître et lui expliqua le forfait du greffier.
Quelques jours plus tard, un voyageur vint demander à se loger. L'aubergiste lui demanda inquiet, quel était son métier.
« - Je suis compagnon tailleur, lui dit fièrement le voyageur.
- Dieu me garde d'un tailleur, s'écria l’aubergiste, le chat vient justement de m'en manger un ! »
Anecdote
Les tailleurs et les couturiers avaient aussi une corporation de compagnonnage. Comme nombre de métiers, ils avaient ce que l'on appelait une loge (maison de réunion) tenue par un couple dont la dame était appelée « la mère ». Elle s’occupait de la propreté du logement, des repas, et soulageait les maux.
• LA LAVANDIERE ET LA BLANCHISSEUSE
On dit d'elles qu'elles ont le verbe haut, un franc-parler, le cœur pitoyable mais l'âme généreusement tendue.
Les femmes lavaient leur linge dans des lavoirs communaux ou au bord des rivières aménagées. C'était là que tous les cancans étaient rapportés. Chacune avait souvent à dire du mal de la voisine ou des gens pour qui elle lavait le linge. Dans certaines grandes villes, c'était la réunion des femmes mariées. Elles prenaient en charge les jeunes filles, et les instruisaient des hommes célibataires ou veufs qui feraient un « bon parti ». Il y avait une responsable du lavoir, soit élue par les femmes du village, soit commise d’office par l’autorité locale (maire ou préfet). C’était elle la marieuse. Elle avait en charge de régler les différends entre commères, et plaçait les femmes dans le lavoir. C'était un poste important.
On lavait le linge de maison une fois par mois.
On dit dans l'Yonne :
« Qui fait la lessive le vendredi
Veut la mort du mari ! »
Quand la femme de la maison était enceinte, on mettait le cuvier (bassine) à l'envers sinon on risquait de retarder l'accouchement, et de faire sortir l’enfant par le siège.
Une bonne lavandière doit rendre le linge de maison bien blanc, c'est cela qui fera sa notoriété. Elle doit connaitre la bonne composition du bois des cendres : suivant l’essence du bois, le linge peut devenir gris ou jaune.
Afin de faire mousser la lessive, on incorporait les racines des fleurs de saponaires (saponaria officinalis, du latin sapo = savon). Celles-ci se trouvent en grand nombre en bordure des chemins.
Le lavoir a été longtemps éloigné du village. Les femmes préposées à la lessive devaient se regrouper, afin de faire suffisamment de bruit, pour éviter les lutins malins ou les fées des rivières, qui volaient le linge. La femme qui se rendait seule au lavoir, pouvait être punie et être condamnée à faire la lessive de nuit, pour faire pénitence.
Une blanchisseuse ou une lavandière que l'on enterrait dans un suaire mal lavé revenait hanter le lavoir. Les nuits où on l'entendait avec son battoir taper son linge, étaient signes de malédiction : elle revenait hanter le lavoir pour demander que son âme soit en paix. Il fallait alors faire appel à un prêtre qui, seul, avait l’audace et le pouvoir de l’affronter... Le lavoir exorcisé, les lavandières reprenaient leur ouvrage.
Conte
Un soir, à la nuit tombée, un jeune homme, qui s'était attardé à l'auberge, passa près d'un lavoir. Il entendit, ouaté dans les brumes, le battoir d'une lavandière. Saisi, il s'avança et vit une très belle jeune femme qui lavait son linge sous la clarté de la lune. Elle leva les yeux sur lui. Elle ne semblait ni inquiète, ni surprise par la présence du jeune curieux. Elle lui demanda d’une voix enjôleuse s’il pouvait l’aider à tordre son linge. Charmé par la belle demoiselle, le jeune homme s'exécuta. Mais il tourna le drap dans le mauvais sens, ce qui brisa le linge. La lavandière qui était la fée de la rivière, vous l’aviez deviné, enchaîna le jeune étourdi d'un de ses maléfices. Au matin, ses amis de beuverie le cherchèrent partout, mais on ne retrouva plus rien de lui. Pourtant, certains soirs où la lune est pleine d'eau, on entend gémir... Certain disent avoir vu le jeune homme qui essaie désespérément de tordre le linge dans le bon sens afin de retrouver ses compagnons.
La blanchisseuse est la personne qui repasse le linge.
Dans l'imagerie, la repasseuse, sorte de supérieur aristocratique, est représentée mignonne, élégante.
La savonneuse, au contraire, a une allure vulgaire et des mœurs critiquables.
• LE CHAPELIER
C’est le fabricant de chapeaux.
C’est vers 1578, que la corporation des chapeliers est définitivement organisée. Leur saint-patron est Saint-Antoine.
Il était d'usage au XVIe siècle de donner un chapeau neuf en échange de plusieurs vieux chapeaux.
Il était d'usage de sortir couvert d'un chapeau jusque dans les années 1950. La corporation des chapeliers est surtout réservée aux hommes. On appelle modistes les femmes qui confectionnent les chapeaux pour ces dames.
LES METIERS DE LA CONSTRUCTION
• LE TAILLEUR DE PIERRE
On rapporte que le compagnonnage des ouvriers tailleurs de pierre remonte à Salomon. C'est depuis le XIIe siècle seulement que la confrérie s'organise. En 1840, des compagnons étrangers étaient appelés les loups. Il y avait deux classes de compagnons.
Les compagnons portaient la canne et le chapeau fleuris de rubans de diverses couleurs qui se passent derrière le cou et reviennent flotter sur la poitrine. Les jeunes hommes avaient dans la boutonnière droite de leurs habits, des rubans blancs et verts.
Quand un compagnon était reconnu, il portait son patronyme (nom de famille) ou son surnom accolé au lieu de sa naissance. Exemple : Dupont l' Icaunais.
Le tailleur de l'association des enfants de Salomon avait le surnom de "compagnon étranger", puisqu'il représentait les descendants des constructeurs du temple de Salomon, comme le dit la légende.
Il y avait aussi les enfants de maître Jacques, compagnons du DEVOIR.
Ils faisaient leur "tour de France " pour accomplir leur apprentissage, gravissaient les échelons pour finaliser leur chef d'œuvre, qui était l'examen reconnu par leurs pairs (les grands maîtres).
Le compagnon, ou « loup-garou », a une canne à tête d'ivoire et des rubans bariolés au chapeau. L'aspirant se nomme le « loup ».
• LES COUVREURS, CHARPENTIERS ET MAÇONS
Ce sont les charpentiers qui reçoivent les compagnons couvreurs. On reconnaissait les couvreurs car ils portaient une boucle d'oreille avec un martelet et une assiette. Leur confrérie remonte à l'époque romaine.
Croyances
Le couvreur a les secrets des charmes pour ensorceler les maisons.
Il était d'usage de le remercier après son ouvrage, avec un gâteau et des fleurs.
Le patron des couvreurs est saint Blaise à qui l'on apporte des offrandes.
Les compagnons charpentiers ont les mêmes usages, mais ce sont les disciples de saint Joseph. Ils disent que saint Joseph équarrit le bois et que la sainte vierge le lisse.
Légende
Avec les maçons et les charpentiers, la légende veut qu'ils aient construit le temple de Salomon et qu'ils avaient pour maitre SOUBISE, savant de la charpente qui aurait été l'instigateur du compagnonnage.
Histoire
Les BOUDRILLES ou DRILLES ainsi que les DEVORANTS portaient une très grande canne à tête noire aux rubans fleuris de diverses couleurs. Ils avaient un anneau à une oreille où pendaient l'équerre et le compas croisés et de l'autre la BISAIGUË, sorte de ciseau à bois.
Les aspirants étaient appelés "renards" (ce sont les serviteurs) ; les apprentis, « lapins » ; les compagnons, « chiens » ; et les maîtres, « singes ».
METIERS DIVERS
LE COIFFEUR OU BARBIER
Il y avait deux sortes de barbiers. Le barbier chirurgien avait une boutique peinte en rouge ou en noir (rouge = sang ; noir = deuil). Une bassine jaune indiquait que l'on pratiquait la saignée et la chirurgie.
Le barbier perruquier avait une boutique peinte en bleu et une bassine en étain. Cela indiquait que l'on faisait des perruques et que l'on rasait.
Les femmes pauvres vendaient leurs cheveux afin de satisfaire les exigences des plus riches.
Depuis l'antiquité, le barbier coiffeur (tonsor en latin) est indispensable à la haute société. Il coupe les cheveux, frise, teint, maquille les riches. Les romains ne se lavaient pas les cheveux mais les mouillaient régulièrement dans les bains publics. Le philosophe Plutarque préconisait un shampooing par an, à la date du 13 août, afin de rendre hommage à la déesse Diane.
Les Egyptiens avaient de lourdes perruques en fibres végétales, teintes dans des couleurs vives (rouge = henné, bleu = indigo) qu’ils imbibaient de cire d’abeille.
Autrefois, la boutique du barbier rasier était le bureau des nouvelles et des esprits de société. Au moyen âge, les barbiers étaient autorisés à pratiquer la saignée et arracher les dents, ils rasaient les pauvres et vendaient leurs cheveux.
Dans les campagnes, le coiffeur se déplaçait de village en village. Il plaçait une écuelle de bois sur la tête des gens et coupait les cheveux qui dépassaient. Il se faisait payer en nature (œufs, poulets, viande, pain).
En l'an 1362, la corporation fut reconnue. Elle fut placée sous la direction du premier barbier, valet de la chambre du roi. A partir de 1655 les deux sortes de barbiers étaient réunies. En 1637 une communauté de barbier perruquier fut créée. Nul ne pouvait exercer ce métier sans être reconnu par les maîtres. Les contrevenants écopaient de la prison. Le sobriquet de MERLAN (poisson), donné aux coiffeurs, vient du fait que les perruquiers étaient recouverts de poudre ou de talc, dont ils enduisaient les perruques, tel "un merlans frit."
Le FRATER était le surnom donné à un garçon chirurgien. Le barbier chirurgien, ne rasait pas et ne coupait pas les cheveux. Il s’occupait des perruques et de certaines maladies.
Au moyen-âge, c'est dans les étuves (bains publics) que les barbiers rasaient hommes et femmes sur tout le corps. Les femmes se faisaient épiler les sourcils et le front.
Légende
Apollon, pour punir le roi Midas de lui avoir préféré le dieu PAN, lui fit pousser des oreilles d'âne. Pendant longtemps, le roi Midas put cacher sa déconvenue sous un bonnet à la mode. Mais son barbier, qui seul connaissait le secret, alla se confier à la terre. Des roseaux, qui poussaient par-là, avaient entendu la confidence. Ils la confièrent alors au vent qui révéla le malheur de Midas à tout le monde. Pauvre Midas ! Son infirmité dissimulée le rendait coupable aux yeux de tous...
Les Dieux ne sont pas plus conciliants que les hommes !!!
Histoire
Après la révolution française, la monarchie de juillet représentait sur une affiche Louis-Philippe (roi des français après la révolution) tordant les cheveux d'une femme qui tenait un bonnet phrygien.
La légende disait :
« - Pauvre liberté ! Quelle queue ! Vous êtes rasée ! Ça n'a pas été long !... »
Ce slogan rappelait que la révolution était finie.
Anecdotes
Au II e siècle, l’Eglise impose de rester couverts dans les lieux de culte. De nombreux modèles de coiffes, turbans, bonnets, chaperons et le hennin du moyen-âge, deviennent les ornements des coiffures. Les postiches étaient condamnés par les Pères de l’Eglise, comme toute parure qu’ils rendaient coupable du péché d’orgueil.
En Italie, au XVIe siècle, les femmes mariées ne devaient pas montrer leurs cheveux.
On raconte que la fille du pape Alexandre VI, Lucrèce Borgia, fit retarder son mariage d’une journée afin que ses très longs cheveux fussent lavés, séchés et coiffés avec recherche. A la cérémonie elle portait une résille incrustée d’or et de diamants.
Elisabeth I, reine d’Angleterre en 1558, ne possédait pas moins de quatre-vingts perruques.
En 1770 les plus extravagantes perruques furent inventées. Le coiffeur était juché sur des échèles ou des échafaudages afin de pouvoir réaliser des prodiges d’extravagance. Certaines perruques pouvaient atteindre plus d’un mètre de haut. Les dames coiffées de la sorte ne pouvaient pas se mettre sur les sièges des carrosses et devaient s’assoir par terre et courber la tête. Il y eut aussi bon nombre de perruques enflammées alors qu’elles étaient à proximité d’un chandelier.
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