MARC  LABOURET

Les ponts et les éléments

Les ponts meurent aussi

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En l'an 792, Charlemagne fait construire un pont bateaux sur le Danube pour son usage personnel. En l'an 803, il fait construire à Mayence, sur le Rhin, un grand pont de cinq cents pieds de long. Ce pont, tout en bois, fut détruit en trois heures par un incendie, dix ans après sa construction, et un an avant la mort de l'Empereur.

A Limoges, le pont Saint-Martial, qui avait été détruit par Henry II Plantagenêt pour punir les Limougeauds de leur infidélité, fut rebâti en 1214, en bois et pierre. En 1226, un violent orage renversa la tour de bois qui s'élevait au milieu du pont.

En 1143, la débâcle des glaces qui détruisit les ponts de Tours et de Saumur. En 1235, c'est une crue qui les renversa.

Au XIVe siècle, les années 1306,1309,1363,1389, les crues de divers fleuves démolissent les ponts.

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Le pont de Tours, dont nous avons déjà vu qu'il avait été détruit en 1189 par les habitants pour résister à Philippe Auguste, après avoir été reconstruit, subira un sort funeste. En 1235 c'est un déluge de pluie qui l'emporte. En 1309, 1677, 1755, les inondations feront de gros dégâts à l'édifice, mais aussi des morts.

L'hiver 1407 resta parmi les plus rudes, nombre de ponts subirent de très gros dommages par suite de l'accumulation et de la débâcle des glaces. Le pont de Compiègne, sur l'Oise, subit de gros dégâts. Au mois d'août 1408, ce pont d'une grande importance fit l'objet de travaux que l'on poussait activement. Les ouvriers passaient les nuits éclairés par des torches de cire, des chandelles et des tourteaux qu'on mettait dans les falots.

Le pont de Brienon-l'Arhevêque, aujourd'hui Brienon-sur- Armançon, dans l’Yonne. Ce pont était, au XVIe siècle, le seul qui existât entre Joigny et Tonnerre. La ville se situait sur la rive droite de l’Armançon, et se trouvait être une des plus grandes terres de l’archevêché de Sens. En revanche, la rivière fut reconnue comme étant une rivière royale, et le pont devait être entretenu par ‘’l’Etat’’. Les archevêques de Sens et les seigneurs de Brienon n’y percevaient, dit-on, aucuns péages. Au mois de janvier 1505 ou 1506, trois grandes arches s’écroulèrent sous la décrue. « Cela causa un vif émoi, car c’était le passage du quartier de Champagne pour aller en ‘’l’Aucerroys’’, Bourgogne et les pays de par-là ». Sur plainte des procureurs de la communauté de Brienon, des personnes notables des villes et villages circonvoisins furent convoquées par devant deux notaires de la prévôté de Brienon pour constater la chute et la nécessité de rétablir le pont. En 1571, la débâcle des glaces causa encore de grand dégâts ; les habitant de la ville ainsi que des communautés voisines ayant usage du passage du pont furent imposées par lettres patentes. Mais les communautés voisines furent récalcitrantes à payer leur quote-part d’impôts, il fallut intenter des procès. M Quantin souligne que le pont de Brienon était alors en bois. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, il fut le sujet de nombreux procès. En 1628, le pont figure sur l’état du Roi pour le faire réédifier. Le pont avait neuf arches dont une grande où passaient les trains de bois et autres flottages. Celle-ci tomba en 1750. On mit un certain temps pour la reconstruire, les procès allant se succédant. Les habitants durent traverser à gué ce qui était très dangereux. Le 13 mai 1766, un arrêt du Conseil d’Etat reconnut le caractère de nécessité publique du pont, confirmant l’ordonnance de 1687, mais il fallait le construire ! flottageL’archevêque de Sens avait été déchargé de son entretien par ordonnance du bureau des finances le 26 septembre 1687. Il avait pourtant usage d’une partie du pont puisqu’il avait des moulins sur ce dernier, côté rive droite, qui lui procuraient des revenus. Mais il n’entretenait que la partie qui lui était nécessaire. De leur côté, les seigneurs, ne touchant pas de péages, se déchargeaient sur les habitants. C’est ainsi que les procès se succédaient. En 1748, on construisit une arche en belle pierre. L’Armançon était encore navigable. Chacune des parties tentait de prouver que la responsabilité en revenait à l’autre, voire au roi, selon les époques. En 1768, le pont, ouvrage royal, devait être réparé aux frais de l'Etat. Un énième procès s’engage quant à la responsabilité des dégâts causés à l’arche principale. On accuse les trains de bois. Riposte de la guilde du flottage, qui prouve que c’est le manque d’entretien par l’archevêque qui est responsable des dégâts. Le comte d’Ailly, seigneur de Percey et de Butteaux, réussit-il à obtenir la permission du Roi pour établir un bac sur la rivière en 1778. Il faudra attendre 1821 pour qu’un pont soit reconstruit avec quatre arches. Vous pouvez consulter les heures des procès dans ‘’Le flottage des bois des comtes de Tonnerre au XVIe siècle‘’, par M Quantin, p 187 et suivantes.

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A Semur-en-Auxois ( Côte d’Or), le faubourg des Vaux, rive gauche, a été plusieurs fois emporté par l’Armançon, notamment le 17 juillet 1613. Le roi accorda une exemption d’imposition aux habitants pour aider à relever les ruines de leurs demeures. Le pont Pinard (photo ci-dessous) fut détruit lors de l’inondation et quinze personnes trouvèrent la mort. Le nouveau pont résista aux ravages de la crue de novembre 1710 et à la débâcle des glaces de 1830. Le 14 juin 1835, des trombes d’eau emportent deux ponceaux et une maison s’écroule sur une femme. Le 12 mai 1856, puis en septembre 1866, on marque sur le pont Pinard les crues, la première à 1,95 m de la hauteur du parapet et la deuxième 20 cm plus haut.semur 3 A Semur, on trouve aussi le pont-Joly, qui tient son nom de Florent Joly, Maître des comptes, élu des Etats de Bourgogne en 1758. Il conçut le projet du pont et de la route de Montbard. Avant la construction du pont, les voitures lourdement chargées ne pouvaient arriver à Semur. D’après Maillard de Chambure, Joly aurait posé la première pierre le 13 septembre 1777. C’est un pont d’une seule arche. Après le pont Joly, on construisit le pont des Minimes, à deux arches, du nom de l’ancien couvent du XVIIé siècle. Auparavant il y avait le pont-Dieu qui servait l’entrée de la ville.

A Compiègne, le 11 février 1658, vers les onze heures du soir, le feu prit accidentellement du premier moulin situé sur le pont et habité par Jardin Lemoine. Il se communiqua au pavillon voisin ou logeait Balthazar Herbert, portier du dit pont. La population alertée alla puiser de l'eau dans la rivière au moyen de seaux d'osier attachés à des cordages, cependant que d'autres s'efforçaient d'empêcher les flammes d'atteindre la maison du tonnelier Daniel de La Roche, attenante au moulin . Mais, tout en planches, le pavillon fut détruit. Le 14 mai, jour de la Saint-Mathias, le vigneron Jehan Fompart écrit dans son journal :"Il s'est fait le plus grand débordement d'eau qu'il ne s'est fait depuis cent ans, le quel était si grand que l'eau était à trois pieds par dessus la chaussée de Marigny. Plusieurs ponts furent emportés, celui de Compiègne, en pierres, menaçait d'éboulements. On retrouva des personnes noyées d'autres furent perdues ainsi que des animaux. Des nacelles et des barquettes remplacèrent les ponts" (extrait du Vieux pont de Compiègne , par Arthur Bazin p 24) . En 1659, des latrines publiques furent construites sur le pont. Cette mesure d'hygiène se retrouve un peu partout dans le royaume. L'échevinage de Compiègne fit établir une boucherie sur le pont la même année, ainsi qu'une tuerie publique, afin de déplacer les établissements de la rue des boucheries, par mesure de salubrité. Le tout fut construit à l'emplacement du moulin détruit par le feu. Le vieux pont fut remplacé en 1732 par un nouveau. Le 21 mars 1810, on fit démolir la porte du vieux pont qui servait pour aller à la tuerie.

En juin 1834 : Le pont de Bretonnières-en-Morvan fut détruit, et la terre entraînée dans les prairies, suite à une tempête de grêle.

Par ordres de Monsieur de Mandelot, gouverneur de Lyon, le vieux Pont du Change, qui était en pierre et datait de cinq siècles auparavant, menaçant de ruine, devait être remplacé par un pont plus large. Un désaccord entre l'administration des Ponts et chaussées et la municipalité occasionna de tumultueux débats quant à l'emplacement du nouveau pont. Après d'âpres discussions, acte fut pris que le nouveau pont serait bâti à quelques mètre en amont de l'ancien axe gênant la navigation.

vautourCe nouveau pont était presque terminé, quand, au soir du dimanche 24 août 1845, des élèves tiraient un feu d'artifice pour fêter leur professeur sur la colline de l'Observance. Une fusée mit le feu à un bateau de foin, amarré au quai de l'Observance. L'incendie menaçait les autres bateaux attachés au port. On coupa donc le câble qui retenait le bateau en flammes ; ce dernier se mit à dériver lentement sur la Saône, fort basse en cette saison. Les flammes de l'embarcation avaient atteint une telle hauteur qu'on ne pouvait plus approcher du brasier. Celui-ci menaçait à présent les barques amarrées des deux côtés des rives, et toujours chargées de riches cargaisons, surtout au port de Neuville. L'effroi était général… Les bateaux à vapeur, amarrés sur la ligne des ports de la Chana et de L'Epine, étaient en grand danger. Sur les quais, où stationnaient les bateaux-lavoirs, ceux de charbon de bois, les bachots à poissons, l'angoisse était à son comble quand le brasier passa, mais ce fut sans accident. Le bateau enflammé vint se briser sur l'éperon de l'arche marinière du nouveau pont. Une partie des débris s'engagèrent dans la magnifique charpente qui soutenait les cintres de la nouvelle arche. Le feu prit, telle une traînée de poudre. Les eaux charriaient à présent trois foyers, dont le plus important menaçait d'incendier les barques des quais Saint-Antoine et des Célestins, où il n'y avait pas une place libre. Si les débris en feu arrivaient jusqu'à Perrache, ils pourraient incendier les bateaux d'esprits, d'eau-de-vie, de vins, stationnés au port de l'Entrepôt. Par un heureux hasard, la partie principale du brasier vint s'échouer sur un banc de sable, en face du quai Saint-Antoine. De son côté, le nouveau pont brûlait et jetait des flammes jusqu'au dessus des maisons placées sur la pile orientale du vieux pont. Quelques hommes des ports, montés sur des barques et armés de harpons (arpics) réussissaient, tant bien que mal, à maintenir le brasier éloigné des rives. A 9 h 30 ,la charpente du nouveau pont s'écroula en grande partie, constituant une nouvelle traînée de feu, qui partit s'éteindre au delà du pont de Tilsitt... pont012

Un autre pont dut être reconstruit. Le vieux pont fut démoli. Il ne resta plus qu'une dernière maison, sur la pile orientale. Elle soutenait un pittoresque café, "le Neptune". Puis enfin, il ne resta plus rien du vieux pont. Il disparut complètement, quand la dernière pile et son café furent démolis.(extrait des Bords de la Saône de Lyon à Chalon, par A. Sébastien Kauffmann, 1851)

Catastrophe du pont de la Basse-Chaîne, le 16 avril 1850, à Angers : à onze heures, la tempête faisait rage. La Maine, au flot noir, roulait des vagues menaçantes dont la crête léchait le tablier des ponts. Barques de pêche ou de plaisance étaient le jouet du courant, malgré qu’elles fussent attachées. Les bateaux-lavoirs subissaient de brusques soubresauts. Les colonnes de supports du pont suspendu de la Basse-Chaîne oscillaient comme des mâts de navires. L’ouragan triomphait de la rigidité du métal. Le pont était désert. Fouetté par le cyclone, le 3e bataillon du 11e régiment d’infanterie légère, à destination de l’Afrique, qui devait faire étape en la ville d’Angers, se présenta à l’entrée de la ville. L’aide de camp du général d’Uzer vint faire connaître au colonel Simonet, qui était à la tête du 3e bataillon, de prendre les mesures nécessaires afin d’éviter que son passage ne donnât lieu à des désordres. Simonet et ses hommes devraient donc passer par les rues les moins fréquentées. Le bataillon fut dirigé au Pont de la Basse-Chaîne. Le pont, à cette date, n’était pas de nature à permettre le passage des troupes. Sous le pas cadencé des soldats, le pont rompit, entraînant la mort de 226 hommes (Résumé de l’article de M. Jean Henry).

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Année1868. La Loire a atteint le maximum de sa crue à Nevers, c’est-à-dire 6,30 m. La chaussée du Pont de Fourchambault a été emportée. La levée de Joignaux, en face de Fourchambault, a rompu. La levée des ponts suspendus de Cosne a été emportée. Dans l'Allier, les deux culées de la seconde travée du pont suspendu de Vichy, se sont effondrées. Dans l'Yonne, plusieurs maisons se sont écroulées à Epineau-les-Voves, le hameau de Chapelotte est entièrement sous les eaux. Dans l'Oise, le Pont de Néry a été emporté (se situait peut-être sur l’Automne, affluent de l’Oise). Dans le Lot, des chemins et des ponts ont été dégradés ou emportés. La ville de Bergerac a été inondée par la Dordogne, plusieurs bateaux se sont brisés contre les piles du pont. Il faut remonter à 1843 pour trouver une telle inondation. Une maison a entièrement été emportée. Les dépouilles des cochons noyés gisent à présent sur le sol. Une énorme quantité d’arbres, de meubles, de paillers et surtout de citrouilles jonchent les environs depuis que l’eau s’est retirée. On évalue à 50 000 le nombre de ces cucurbitacées.

crueRelevés mensuels de la hauteur de la Seine à Paris en 1740. 

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